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vendredi 3 février 2012

Solidarité et discipline : les 2 faces d'une même solution à la crise de la zone euro ?

L'année 2011 s'est achevée. Et avec elle – semble-t-il – son cortège de mauvais augures sur la fin prochaine de la monnaie unique, ni souhaitable, ni souhaitée réellement par la majorité des européens.  
De fait, la crise des dettes souveraines, si elle a eu le mérite de mettre en exergue depuis début 2011 la facilité déconcertante avec laquelle les États européens se sont financés essentiellement par l'emprunt massif pendant de trop longues années, elle est avant tout une crise de défiance de la part des marchés financiers. Dès lors qu'ils l'ont compris, les dirigeants européens se sont attachés à rassurer les marchés, à défaut d'engager des économies budgétaires massives à court terme. Depuis le Conseil européen des 8 et 9 décembre dernier et la mise en chantier du traité « d’union budgétaire », la « crise de défiance » a semblé s'atténuer. Et ce, malgré la dégradation de la note souveraine de neuf pays de la zone euro par l’agence Stantard and Poor’s, dont la France. L'impact de cette dégradation a d'ailleurs été aussi limité sur le plan des taux qu'il a été dévastateur sur le plan politique.

Historiquement, la construction européenne s'est faite au gré des crises. Cependant, il vient un moment où des solutions doivent y répondre. Et celles qui sont proposées peuvent être résumées par ces deux mots : solidarité et discipline. 

Le Mécanisme européen de stabilité (MES)

L'accord des ministres des Finances du 30 janvier 2012, adopté par 25 des 27 États membres (le Royaume-Uni et la République Tchèque ont refusé de signer), met en place un pare-feu destiné à remplacer le Fond européen de stabilité financière (FESF) mis en place en urgence en 2011. 

Ce dispositif appelé à être pérenne, sous le nom de Mécanisme européen de stabilité (MES), entrera en vigueur le 1er juillet prochain et sera doté d'une capacité de prêt de 500 milliards d’euros. Mme Christine LAGARDE, directrice générale du FMI, a proposé que les fonds disponibles de ce mécanisme puissent être porté à 750 milliards d'euros avec l'ajout des ressources du FESF qui n'ont pas encore été utilisées. Ce dispositif permettra d'aider dans l'urgence un pays de la zone euro, sans requérir l'unanimité des autres États membres. Une première réevaluation des ressources du MES aurait lieu en mars.

Néanmoins, ce fond ne résoudra que partiellement les conséquences et non les causes de la crise. L'Institut syndical européen, par la voix d'Andreas BOTSCHE, a indiqué lors de son audition au Parlement Européen le 23 janvier, que l'augmentation continuelle des plafonds du MESF ne résoudra pas la crise. Selon cet institut, la vraie question réside dans les déséquilibres macro-économiques existants au sein de la zone euro [Nous reviendrons dans un prochain article sur les disparités macro-économiques]. 

Parallèlement, la Banque centrale européenne (BCE), inonde les banques de liquidités depuis la fin de l'année 2011, atténuant les inquiétudes sur leur santé. Ce qui contribue à détendre les taux d'intérêt depuis le début de l'année, et ce, malgré la dégradation de Standard & Poor's.

Discipline budgétaire : une improbable règle d'or...

Le second volet des mesures adoptées à Bruxelles le 31 janvier 2012 sont liées à l'accroissement de la discipline des comptes publics. Si la Chancelière Allemande Angela MERKEL a accepté de garantir les prêts de la BCE accordés aux banques et de rallonger l'enveloppe initialement prévue du MES, elle a fait adopter en contrepartie par 25 des 27 États membres, un engagement constitutionnel à ne plus voter de budget en déséquilibre, le tout assorti d'amendes plus lourdes. C'est la désormais fameuse «règle d'or ». Seuls le Royaume-Uni et la République Tchèque ont refuser de s'engager.

Or, il existait déjà une obligation de respecter un certain encadrement des comptes publics sous peine d'amende : les critères du Pacte de Stabilité, interdisant tout déficit public supérieur à 3% de PIB. Les États ne l'ayant pas respecté au cours des trois dernières années, et pour certains même bien avant la crise financière de 2008, on les voit mal maintenant se parer d'une nouvelle vertu budgétaire allant au-delà des critères de stabilité, vers plus de discipline, sachant qu'en période de croissance, la France par exemple, parvenait très difficilement à respecter le Pacte de Stabilité, en particulier l'interdiction d'un déficit équivalent à 3% de PIB. Alors viser à l'équilibre budgétaire par une « règle d'or » est une excellente chose, mais en temps de crise, on peut douter de la capacité des dirigeants européens à en faire autre chose qu'une simple posture politique... car il y aura une partie des États membres qui auront des difficultés à la ratifier en raison de l'impossibilité à transposer un frein à l'endettement dans leur droit national, ou par impossibilité à trouver une majorité politique suffisante (en Finlande par exemple, il faut une majorité des 4/5 pour modifier la Constitution).

D'autres solutions ont été proposées ces derniers mois au Parlement européen, comme la création d'un fonds permettant de communautariser la partie des dettes publiques dépassant 60% du PIB, financée par des titres d'obligations européens émis par la BCE et avec une durée moyenne de remboursements. Cette proposition a été à l'origine conçue par cinq instituts économiques allemands. Il y a également l'idée que l'Union européenne n'étant pas endettée, elle pourrait émettre des titres d'obligations européens afin de relancer l'économie européenne sur des projets communs d'infrastructures, de transports. Cela éviterait la stratégie suivie actuellement qui consiste à ne parler que rigueur budgétaire dans le seul but de reconquérir la confiance des investisseurs sans pour autant relancer l'économie...

Dette grecque : quitte ou double

Un nombre croissant d'Etats-membres, dont l’Allemagne, les Pays-Bas et la Finlande s'interrogent de plus en plus sur l'intérêt d'aider la Grèce. Rappelons qu'Athènes a déjà bénéficié d'une aide de 110 milliards d'euros depuis mai 2010 et qu'une nouvelle tranche de 130 milliards d'euros est en cours de négociation, dont 90 devront être versés avant fin mars 2012. Et ceci afin d'éviter une mise en défaut de l'Etat. Certains dirigeants y voient le tonneau des Danaïdes, sachant qu'Athènes ne parvient pas à appliquer ses réformes et que la corruption y est toujours aussi développée. Pour illustrer cet état d'esprit, le ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble a été jusqu'à suggérer qu’un commissaire européen siège de façon permanente à Athènes pour surveiller le budget grec, une proposition écartée lors du sommet du lundi 30 janvier 2012, à Bruxelles. Les plus réticents semblent penser qu'il n'est nécessaire d'aider la Grèce que pour éviter l'effet de contagion au Portugal et à l'Irlande. Avec une dette équivalente à 160% de son PIB et une économie qui ne représente que 3% du PIB de la zone euro, les européens sont en droit de se poser la question de savoir si la crise grecque n'est pas insoluble.

Or l'Union européenne n'a guère le choix en vérité. Une mise en défaut de la Grèce sonnerait comme un terrible échec pour la zone euro dans son ensemble. Certes, l'UE a fait l'erreur de considérer il y a près de dix ans, que la Grèce était prête à faire partie de la zone euro. Mais maintenant qu'elle y est, l'UE n'a plus le choix. D'autant que certaines solutions négociées actuellement, comme la restructuration de la dette, ont mis trop de temps à faire leur chemin. Nous aurions dû considérer la restructuration de la dette grecque dès 2010, solution qui avait d'ailleurs été avancée par plusieurs responsables politiques. Cela aurait évité à la Grèce la situation qu'elle connaît actuellement.

Un plan de restructuration de la dette grecque en cours de négociation

Lors du sommet de Bruxelles, le 31 janvier 2012, le Président de l'Europgroupe, Jean-Claude JUNCKER, et le Premier Ministre Grec, Lucas PAPADÉMOS, ont laissé entendre qu'il était possible que la Grèce parvienne d'ici la fin de la semaine à un accord avec ses créanciers privés pour effacer une partie de sa dette. Néanmoins, même si les créanciers privés (banques, fonds de pension, assurances) acceptent une perte de plus de 50 % de la valeur de leurs titres, la dette grecque ne sera ramenée que d’environ 350 milliards d’euros (160 % du PIB) à 250 milliards d’euros, soit une diminution de seulement 28,5 %. Paris a donc proposé d'y associer les créanciers publics (BCE, FMI) pour qu'ils renoncent à leur tour à certaines de leurs créances grecques acquises lors du programme de rachats d'obligations publiques depuis mai 2010. La BCE a refusé. Refus également de Berlin : le ministre des finances Wolfgang Schäuble ayant estimé que les créanciers privés « ont gagné suffisamment avec les taux élevés sur les obligations grecques, et doivent maintenant accepter des pertes ».

Parmi les questions en jeu, il y a également les divergences relatives au taux d'intérêt des nouvelles obligations qui seront émises. Le parlement grec « devra voter les conditions de l'émission des nouveaux titres ».

Un nouveau plan d'aide

L'accord de restructuration n'est qu'un élément de la discussion, qui comprend aussi un nouveau plan d'aide que le gouvernement grec négocie avec les créanciers institutionnels (UE-BCE-FMI) pour un montant de 130 milliards d'euros en échange de nouvelles réformes structurelles du côté grec, notamment de la part du secteur privé.

Le temps presse. Si la Grèce ne rembourse les 14,5 milliards d'euros de prêts qui arrivent à échéance le 20 mars, le pays sera considéré en cessation de paiements. Mais les négociations avec le secteur privé traînent en longueur depuis près de trois semaines. Néanmoins, si cet accord aboutissait, cela « anéantirait le danger systémique qui menace la zone euro », estimait le 22 janvier un responsable de Goldman Sachs. C'est tout dire...