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jeudi 7 mars 2013

La compétitivité des entreprises passe également par la fiscalité, ne l’oublions pas


Zoom sur le cas de la France : un constat alarmant...


Depuis le mois de juillet 2012, en additionnant les mesures du premier collectif budgétaire de la nouvelle majorité socialiste, du budget 2013 et du collectif budgétaire de décembre 2012, les prélèvements sur les entreprises ont augmenté de près de 17 milliards. À cette somme, il faut ajouter les 3 ou 4 milliards d’euros de prélèvement écologique que le gouvernement a prévu pour financer (en partie) son crédit d'impôt compétitivité-emploi, et dont les modalités sont encore imprécises. 

A cet égard, ce crédit d’impôt n’apporte pas de réponse suffisante sur les nécessaires réformes en matière de compétitivité, alors que le Rapport Gallois lui en fournissait la matière. Ce Rapport Gallois aurait pourtant pu constituer un tournant encourageant. Au total, la hausse des prélèvements sur les entreprises va atteindre en 2013 quelque 20 milliards d’euros pour un crédit d'impôt de 20 milliards. Finalement, le crédit d'impôt ne fait que quasiment compenser les hausses de prélèvements déjà votées ou annoncées (fiscalité écologique). Bien qu’elle soit étalée sur deux ans, à partir de 2014, l'opération se révèle, à moyen terme, quasiment à somme nulle pour les entreprises. Et que de dégâts entretemps…  

Dès lors, nous ne pouvons que nous interroger sur cette politique budgétaire qui consiste à donner aux entreprises d’un côté pour reprendre de l’autre avec un ensemble de mesures qui vont considérablement alourdir leurs charges.

Nous citerons en particulier la suppression de la défiscalisation des provisions pour investissement des PME, la limitation de la déductibilité des intérêts d’emprunts à 75% en 2013, le mécanisme de report des déficits des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, la modification de l’assiette de la quote-part pour frais et charges sur les plus-values de cession de titres de participation, la modification du régime des acomptes d’impôts pour les entreprises et enfin l’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu des gains de cession de valeurs mobilières dont les conditions pour en être exonérées sont tellement éloignées de la réalité qu’il sera très difficile pour les entreprises de les réunir toutes. Autant de mesures à charge contre les entrepreneurs qui investissent, prennent des risques et créent de l’emploi. 

Or, au lieu de prôner un vrai choc de compétitivité, le gouvernement semble jouer les comptables. Rien sur la simplification administrative et réglementaire. Rien sur la compétitivité des entreprises. Où sont les réformes de structures, seules contreparties acceptables à un tel choc fiscal ? 

Un désavantage fiscal compétitif croissant

La politique budgétaire que mène le gouvernement ne pose pas la bonne question : celle du nécessaire rééquilibrage entre hausse des recettes et baisse des dépenses de l’Etat. Il en résulte une politique fiscale qui fait porter les deux tiers de l’effort de redressement des finances publiques sur les ménages et les entreprises sans réduire le train de vie de l’Etat, faisant ainsi porter le niveau des prélèvements obligatoires au taux record de 46.3%. 

La France va ainsi compter 153 taxes et prélèvements pesant directement ou indirectement sur l’entreprise alors que l’Allemagne n’en compte que 55. Il en résulte que hors impôt sur les sociétés, ce sont 72.7 milliards d’euros de taxes qui vont peser directement sur les entreprises. Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a d’ailleurs indiqué que « les prélèvements sur les entreprises représentent 39% des prélèvements obligatoires du pays, soit 10 points de plus que la moyenne de l’Union européenne ». Ainsi la France va devenir le pays le plus taxé d’Europe (46,3%), plus que la Suède (44,2%). Seul le Danemark nous dépasse avec 48,2%.

Concernant l’impôt sur les sociétés (IS), la France est l’un des seuls États européen à ne pas avoir réduit ou maintenu son taux d’IS. Ce taux est aujourd’hui le plus élevé de l’Union européenne avec 36.15% en 2012. Un désavantage fiscal qui pèse sur l’attractivité de la France.  L’Observatoire des politiques budgétaires et fiscales notait récemment que le taux moyen d’IS dans les 39 pays de l’OCDE se situe à 23.93%. 

A ce choc fiscal s’ajoute deux problèmes de fond qui entravent la compétitivité des entreprises françaises : le niveau trop élevé des charges patronales et salariales et l’érosion des marges qui freinent leur développement. 

Confrontées à une fiscalité écrasante, mais aussi à une concurrence croissante, les entreprises françaises, notamment dans le secteur industriel, ont été conduites à rogner leurs marges pour pouvoir conserver des prix compétitifs. Selon les chiffres de l’INSEE, les marges de l’industrie manufacturière de plus de 20% ces quinze dernières années alors qu’elles progressaient de 7 points en Allemagne. 

Il en résulte un écart grandissant entre la France et ses voisins en matière d’autofinancement et de capacité des entreprises à investir en Recherche et Développement. 

Le fait que l’ensemble des hausses d’impôts se concentre sur les entreprises est un facteur de perte de compétitivité supplémentaire. Les effets récessifs du choc fiscal ne tarderont pas à se faire ressentir. 
 
Au regard de ces considérations, lorsque nous entendons la nouvelle majorité nous dire qu’il y a une sur-réaction des chefs d’entreprises face au matraquage fiscal qu’ils s’apprêtent à subir, nous sommes en droit de nous interroger sur la façon dont le monde de l’entreprise est perçu par le gouvernement. 

Repenser la fiscalité des entreprises

Au-delà de la mise en place d’un véritable débat public visant à redéfinir l’impôt sur les sociétés, la restauration de la compétitivité économique française passe également par la capacité de notre politique fiscale à inciter nos PME les plus performantes à croître en créant un environnement fiscal propice aux ETI, seules capables de redynamiser la création d’emploi. 

Alors que l’économie française est marquée depuis une trentaine d’année par un sous-investissement chronique, la fiscalité doit également inciter à une réorientation de l’épargne longue des français (la quatrième au monde avec 17% du revenu épargné) vers l’économie réelle, dans une conjoncture déjà rendue plus restrictive par les normes de Solvency II et de Bâle III. La notion de plus-value doit être davantage encouragée et récompensée, car elle est synonyme avant tout de création de valeur et donc d’emplois. Alors que l’économie française manque d’investisseurs en capitaux longs, le principal outil d’épargne plébiscité par les Français : l’assurance-vie (1200 milliards d’euros), est toujours frappée par une obligation de disponibilité immédiate, empêchant ainsi les PME de pouvoir disposer d’une possibilité de se financer dans la durée. 

Nous devons également cesser de faire cette confusion entre capital spéculatif et capital productif, laquelle semble pourtant être à l’agenda de la nouvelle majorité au motif de corriger notre système fiscal qui ferait moins payer les revenus du capital. Or le Conseil des prélèvements obligatoires a estimé, en mai 2011, que notre système fiscal est devenu plus progressif depuis 1990. Quant aux revenus du capital, ils sont selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), presque autant imposés que les revenus du travail. 

Le budget 2013 impose massivement le capital et l’épargne par rapport au travail. Le capital est imposé à la fois sur les flux de revenus qu’il produit et sur les stocks qu’il représente, ce qui le rend confiscatoire. La fiscalité doit être incitative en elle-même. L’écart de taux de prélèvement obligatoire du capital entre la France est l’Allemagne est de 3 points de PIB, comme le soulignait récemment la Cour des Comptes. Ce désavantage fiscal détourne au profit de nos voisins européens l’épargne des investisseurs. 

Enfin, au niveau incompatible des prélèvements obligatoires avec la prise de risque et sa rémunération, comme nous l’avons évoqué précédemment, s’ajoute un besoin de stabilité et de simplification fiscale. 

C’est l’une des demandes récurrentes du monde de l’entreprise. Les fiscalités sur l’épargne, sur les plus-values et sur l’investissement ne cessent de changer pour des raisons de positionnement politique. La stabilité fiscale est essentielle pour le développement de l’économie, tant pour les entrepreneurs que pour les investisseurs. Cette stabilité passe également par sa lisibilité et sa simplification. L’administration fiscale doit engager un effort de simplification juridique et fiscale afin de faciliter l’environnement fiscal des entrepreneurs.