Zoom sur le cas de la France : un constat alarmant...
Depuis le mois de
juillet 2012, en additionnant les mesures du premier collectif budgétaire de la
nouvelle majorité socialiste, du budget 2013 et du collectif budgétaire de
décembre 2012, les prélèvements sur les entreprises ont augmenté de près de 17
milliards. À cette somme, il faut ajouter les 3 ou 4 milliards d’euros de
prélèvement écologique que le gouvernement a prévu pour financer (en partie)
son crédit d'impôt compétitivité-emploi, et dont les modalités sont encore
imprécises.
A cet égard, ce crédit
d’impôt n’apporte pas de réponse suffisante sur les nécessaires réformes en
matière de compétitivité, alors que le Rapport Gallois lui en fournissait la
matière. Ce Rapport Gallois aurait pourtant pu constituer un tournant
encourageant. Au total, la hausse des prélèvements sur les entreprises va
atteindre en 2013 quelque 20 milliards d’euros pour un crédit d'impôt de 20
milliards. Finalement, le crédit d'impôt ne fait que quasiment compenser les
hausses de prélèvements déjà votées ou annoncées (fiscalité écologique). Bien
qu’elle soit étalée sur deux ans, à partir de 2014, l'opération se révèle, à
moyen terme, quasiment à somme nulle pour les entreprises. Et que de dégâts
entretemps…
Dès lors, nous ne
pouvons que nous interroger sur cette politique budgétaire qui consiste à
donner aux entreprises d’un côté pour reprendre de l’autre avec un ensemble de
mesures qui vont considérablement alourdir leurs charges.
Nous citerons en
particulier la suppression de la défiscalisation des provisions pour investissement
des PME, la limitation de la déductibilité des intérêts d’emprunts à 75% en
2013, le mécanisme de report des déficits des entreprises soumises à l’impôt
sur les sociétés, la modification de l’assiette de la quote-part pour frais et
charges sur les plus-values de cession de titres de participation, la
modification du régime des acomptes d’impôts pour les entreprises et enfin
l’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu des gains de cession
de valeurs mobilières dont les conditions pour en être exonérées sont tellement
éloignées de la réalité qu’il sera très difficile pour les entreprises de les
réunir toutes. Autant de mesures à charge contre les entrepreneurs qui
investissent, prennent des risques et créent de l’emploi.
Or, au lieu de prôner
un vrai choc de compétitivité, le gouvernement semble jouer les comptables. Rien
sur la simplification administrative et réglementaire. Rien sur la
compétitivité des entreprises. Où sont les réformes de structures, seules
contreparties acceptables à un tel choc fiscal ?
Un
désavantage fiscal compétitif croissant
La politique budgétaire
que mène le gouvernement ne pose pas la bonne question : celle du nécessaire
rééquilibrage entre hausse des recettes et baisse des dépenses de l’Etat. Il en
résulte une politique fiscale qui fait porter les deux tiers de l’effort de
redressement des finances publiques sur les ménages et les entreprises sans
réduire le train de vie de l’Etat, faisant ainsi porter le niveau des
prélèvements obligatoires au taux record de 46.3%.
La France va ainsi
compter 153 taxes et prélèvements pesant directement ou indirectement sur
l’entreprise alors que l’Allemagne n’en compte que 55. Il en résulte que hors
impôt sur les sociétés, ce sont 72.7 milliards d’euros de taxes qui vont peser
directement sur les entreprises. Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO)
a d’ailleurs indiqué que « les prélèvements sur les entreprises représentent
39% des prélèvements obligatoires du pays, soit 10 points de plus que la
moyenne de l’Union européenne ». Ainsi la France va devenir le pays le plus
taxé d’Europe (46,3%), plus que la Suède (44,2%). Seul le Danemark nous dépasse
avec 48,2%.
Concernant l’impôt sur
les sociétés (IS), la France est l’un des seuls États européen à ne pas avoir
réduit ou maintenu son taux d’IS. Ce taux est aujourd’hui le plus élevé de
l’Union européenne avec 36.15% en 2012. Un désavantage fiscal qui pèse sur
l’attractivité de la France.
L’Observatoire des politiques budgétaires et fiscales notait récemment
que le taux moyen d’IS dans les 39 pays de l’OCDE se situe à 23.93%.
A ce choc fiscal
s’ajoute deux problèmes de fond qui entravent la compétitivité des entreprises
françaises : le niveau trop élevé des charges patronales et salariales et l’érosion
des marges qui freinent leur développement.
Confrontées à une
fiscalité écrasante, mais aussi à une concurrence croissante, les entreprises
françaises, notamment dans le secteur industriel, ont été conduites à rogner
leurs marges pour pouvoir conserver des prix compétitifs. Selon les chiffres de
l’INSEE, les marges de l’industrie manufacturière de plus de 20% ces quinze
dernières années alors qu’elles progressaient de 7 points en Allemagne.
Il en résulte un écart
grandissant entre la France et ses voisins en matière d’autofinancement et de
capacité des entreprises à investir en Recherche et Développement.
Au regard de ces
considérations, lorsque nous entendons la nouvelle majorité nous dire qu’il y a
une sur-réaction des chefs d’entreprises face au matraquage fiscal qu’ils
s’apprêtent à subir, nous sommes en droit de nous interroger sur la façon dont
le monde de l’entreprise est perçu par le gouvernement.
Repenser
la fiscalité des entreprises
Au-delà de la mise en
place d’un véritable débat public visant à redéfinir l’impôt sur les sociétés,
la restauration de la compétitivité économique française passe également par la
capacité de notre politique fiscale à inciter nos PME les plus performantes à
croître en créant un environnement fiscal propice aux ETI, seules capables de
redynamiser la création d’emploi.
Alors que l’économie
française est marquée depuis une trentaine d’année par un sous-investissement
chronique, la fiscalité doit également inciter à une réorientation de l’épargne
longue des français (la quatrième au monde avec 17% du revenu épargné) vers
l’économie réelle, dans une conjoncture déjà rendue plus restrictive par les
normes de Solvency II et de Bâle III. La notion de plus-value doit être
davantage encouragée et récompensée, car elle est synonyme avant tout de
création de valeur et donc d’emplois. Alors que l’économie française manque
d’investisseurs en capitaux longs, le principal outil d’épargne plébiscité par
les Français : l’assurance-vie (1200 milliards d’euros), est toujours
frappée par une obligation de disponibilité immédiate, empêchant ainsi les PME
de pouvoir disposer d’une possibilité de se financer dans la durée.
Nous devons également cesser
de faire cette confusion entre capital spéculatif et capital productif,
laquelle semble pourtant être à l’agenda de la nouvelle majorité au motif de
corriger notre système fiscal qui ferait moins payer les revenus du capital. Or
le Conseil des prélèvements obligatoires a estimé, en mai 2011, que notre
système fiscal est devenu plus progressif depuis 1990. Quant aux revenus du
capital, ils sont selon l’Observatoire français des conjonctures économiques
(OFCE), presque autant imposés que les revenus du travail.
Le budget 2013 impose
massivement le capital et l’épargne par rapport au travail. Le capital est
imposé à la fois sur les flux de revenus qu’il produit et sur les stocks qu’il
représente, ce qui le rend confiscatoire. La fiscalité doit être incitative en
elle-même. L’écart de taux de prélèvement obligatoire du capital entre la
France est l’Allemagne est de 3 points de PIB, comme le soulignait récemment la
Cour des Comptes. Ce désavantage fiscal détourne au profit de nos voisins
européens l’épargne des investisseurs.
Enfin, au niveau incompatible
des prélèvements obligatoires avec la prise de risque et sa rémunération, comme
nous l’avons évoqué précédemment, s’ajoute un besoin de stabilité et de
simplification fiscale.
C’est l’une des
demandes récurrentes du monde de l’entreprise. Les fiscalités sur l’épargne,
sur les plus-values et sur l’investissement ne cessent de changer pour des
raisons de positionnement politique. La stabilité fiscale est essentielle pour
le développement de l’économie, tant pour les entrepreneurs que pour les
investisseurs. Cette stabilité passe également par sa lisibilité et sa
simplification. L’administration fiscale doit engager un effort de
simplification juridique et fiscale afin de faciliter l’environnement fiscal
des entrepreneurs.