Nombre total de pages vues

vendredi 5 octobre 2012

1992 – 2012 : d’un Traité européen à l’autre…


2012, L’acte fondateur de la présidence de François Hollande aura donc été son adhésion au Traité négocié par Nicolas Sarkozy et dont pas une virgule n’aura été changée. Après un référendum irlandais dont l’issue a été l’adoption du traité, il n’aurait pu en être autrement : vous imaginez François Hollande, à peine élu, arriver à Bruxelles et demander une renégociation à des partenaires européens qui ont mis des mois à négocier ce nouveau traité communément appelé TSCG.

Vingt ans après le Traité de Maastricht, le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance (TSCG) au sein de l’Union économique et monétaire (UEM) offre une occasion unique d’approfondir l’intégration de l’UEM. Face à cela, nous entendons un certain nombre de Français dire avoir voté pour Maastricht en 1992 et se prononcer contre le traité dont la ratification sera soumise aux parlementaires la semaine prochaine. Ils pointent la perte de souveraineté et le fait que l’intégration européenne aurait échoué. Si l’on suit leur logique, la seule démarche possible selon eux serait donc la sortie de l’euro. Refuser ce traité, c’est condamner l’Europe à l’impuissance au motif d’avancées qui n’ont pas encore été réalisées. Or l’intégration monétaire n’est pas un échec, elle est juste incomplète : 

D’une part, le débat sur les questions de souveraineté ne doit pas empiéter sur le nécessaire débat relatif aux finances publiques. La France gardera la possibilité de faire entendre sa voix. L’article 12 consacre d’ailleurs la proposition qu’avait faite par Nicolas Sarkozy d’un sommet régulier des Chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro. De ce point de vue là, rien n’a été modifié.

La vérité, c’est que la France vit à crédit depuis trente ans et que nous en accusons l’Europe. La vérité, c’est que 60% de notre dette publique n’est pas détenue par des épargnants français mais par les marchés financiers, nous rendant de ce fait dépendant. C’est là que se situe l’enjeu de souveraineté budgétaire dont se prévalent les opposants au TSCG. Tendre vers l’équilibre des finances publiques, c’est au contraire un gage de souveraineté pour limiter notre dépendance aux aléas des taux pratiqués par les marchés financiers. 

D’autre part, ce traité, signé le 2 mars 2012 engage la France, il est vrai, comme il engage également ses partenaires européens. La France ne vit pas seule en Europe ! Il faut voir dans cet engagement une occasion unique : celle d’une réponse institutionnelle en vue d’établir des règles communes de gouvernance économique et budgétaire. L’occasion également de compléter, par des règles communes, le traité de Maastricht dont nous venons de marquer le vingtième anniversaire.

Car il s’agit bien de compléter les engagements antérieurs. L’histoire de la construction européenne est une construction progressive, par étapes successives. Le Traité de Maastricht ne fut qu’une étape instaurant notamment les critères de convergence, dont on voit bien qu’il n’était pas suffisant pour éviter la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui.

Il s’agit également de renforcer la gouvernance de la zone euro pour atteindre des objectifs communs de croissance, d’emploi et de cohésion sociale. Car il est exact que l’assainissement budgétaire ne peut reposer uniquement sur la maîtrise des déficits. Cela implique aussi une croissance suffisante pour soutenir nos finances publiques. C’est pour ces raisons qu’il était prévu dès le départ de mobiliser 55 milliards d’euros de fonds structurels non utilisés en faveur du soutien aux PME et à l’emploi des jeunes. François Hollande n’a eu qu’à maquiller l’ensemble en « Pacte de croissance » pour masquer son impossibilité de renégocier un traité dont l’accouchement ne fut pas sans douleur.

Il est intéressant de noter que les objectifs de compétitivité inscrit dans ce traité vont entrer en totale contradiction avec la loi de finances pour 2013. Celle-ci s’apprête à augmenter les impôts des entreprises à hauteur de dix milliards d’euros, alors que le traité engage les Etats contractants (dont la France) à œuvrer pour la croissance en renforçant leur compétitivité (article 9). Augmenter les charges des entreprises n’a jamais été un gage de compétitivité et de création d’emplois.

Ce traité ouvre de nouvelles perspectives d’approfondissement de l’UEM à moyen terme. Toutefois, ce texte essentiel aurait mérité de figurer dans notre Constitution au lieu d’une simple loi organique. D’autant que l’article 3 du Traité expose que ces règles doivent être « de préférence constitutionnelles ». L’opposition UMP l’aurait voté au Congrès. En choisissant de passer par une loi organique, la nouvelle majorité rate une occasion unique de faire l’union nationale, comme en Espagne, où la Droite a voté avec la Gauche sur la réforme de la Constitution. Quitte à adopter une règle d’or, nous aurions pu faire l’économie d’en adopter une fausse. Car il n’y aura aucune garantie constitutionnelle au nécessaire équilibre budgétaire et nos partenaires européens s’en apercevront très vite… Pour un début de mandat, c’est une drôle d’entrée en matière dans l’édifice européen…

jeudi 17 mai 2012

PAC 2014 – 2020 : simple ajustement ou réforme d'envergure ?

Dans le cadre de la préparation des orientations budgétaires communautaires pour la période 2014-2020, la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) est à l'ordre du jour depuis que la Commission européenne a présenté ses orientations générales pour la PAC en novembre 2010. Depuis, d'autres jalons ont été posés par la Commission, avec des propositions budgétaires (juin 2011) complétées par sept propositions de règlements concernant la PAC (12 octobre 2011).

La PAC, la plus significative des politiques européennes mise en oeuvre en 1962 pour garantir l'indépendance alimentaire de l'Europe d'après-guerre, a fait l'objet d'un certain nombre de modifications. En 1984, ce fut l'instauration des quotas laitiers. Puis en 1993, ce fut la fin progressive du soutien aux prix. En 2003, une nouvelle réforme introduisit les problématiques environnementales. Le Bilan de Santé de la PAC (2008) ne fut que le coup d'envoi d'une vaste consultation auprès des États membres sur les mesures à mettre en oeuvre pour préparer l'après 2013. Aucune de ces réformes n'a néanmoins vraiment remis en cause le niveau des fonds alloués par la PAC. De ce point de vue, le projet de réforme de la Commission vise clairement à diminuer le montant alloué à la PAC pour la période 2014-2020 mais également à en modifier la répartition et les priorités.

La réforme de la PAC revêt un enjeu essentiel dans un contexte de hausse croissante de la demande à l'échelle internationale, d'une compétitivité de l'agriculture européenne qui décroît progressivement et perd des parts de marché à l'export extra-communautaire et de la multiplication des normes auxquelles les agriculteurs doivent se soumettre alors que les structures datent encore des lois de modernisation des années 60. L'enjeu est également important pour certains États membres dont les subventions dépendent de leur part dans la production agricole européenne. Comme la France, qui est la première bénéficiaire, avec 19,2% de l'ensemble des crédits. Mais également l’Espagne (environ 13,6 %, l'Allemagne (environ 12,7%), l’Italie (environ 10,4 %) et le Royaume-Uni (environ 7,3 %). Ces États s'inquiètent du projet de la Commission de transférer une grande partie des financements vers les nouveaux États membres d'Europe de l'Est. 

Le budget agricole au coeur du débat européen

Les nouvelles orientations de la PAC font actuellement l'objet de discussions au Parlement européen et entre les 27 États membres de l'UE, en vue d'une adoption prévue pour la fin 2013. La PAC représente environ 57 milliards d'euros par an, soit 40,8% du budget total de l'UE (Source : Commission européenne – budget 2012).
  • Le 1er pilier (Aides directes aux agriculteurs) représente 44 milliards, soit 70% de la PAC ;
  • Le 2e pilier (Mesures de développement rural) représente 13 milliards, soit 20% de la PAC ;
  • Le 3e pilier (Subventions à l'exportation aux entreprises agro-alimentaires), 10% de la PAC.
La Commission a proposé pour la période 2014-2020 une enveloppe globale de 371,72 milliards d'euros alloués à la PAC, ce qui ferait diminuer la part du budget agricole de 40% à 36,2% du budget européen. C'est la première fois qu'une diminution si nette du budget de la PAC est proposée. Le 24 avril 2012, lors du Conseil Affaires générales, l'Irlande et la France ont indiqué qu'elles souhaitaient au moins le gel du montant des dépenses de la PAC au niveau de 2013, alors que d'autres pays, comme la Suède, souhaitent réduire le budget agricole allant jusqu'au démantèlement progressif des aides agricoles. Les agriculteurs français reçoivent environ 10 milliards d'euros par an d'aides agricoles de l'Union européenne, dont 85 % issus du premier pilier. La tendance à la baisse semble cependant inéluctable avec l'élargissement de l'UE. 
 
1er pilier : un soutien aux agriculteurs en baisse
Sur les 371,72 milliards d'euros alloués à la PAC pour la période 2014-2020, 281,8 milliards d'euros seraient destinés à des paiements directs et à des mesures de marché pour soutenir les agriculteurs, contre 289 milliards d'euros dans le budget actuel. La diminution des crédit se ferait de manière progressive avec un budget annuel qui passerait de 42,2 milliards d'euros en 2014 à 38 milliards d'euros en 2020.
2e pilier : le soutien au développement rural diminuerait
Le reste du budget de la PAC, alloué au développement rural, diminuerait également (89,9 milliards d'euros sur la période 2014-2020, par rapport aux actuels 96 milliards d'euros) faisant ainsi passer le budget annuel pour le 2e pilier de 13,6 milliards d'euros en 2014 à 12 milliards d'euros en 2020.

PEAD et autres programmes
Ces financements seraient accompagnés d'un fonds de 15,2 milliards d'euros destiné à divers projets dont la recherche et l'innovation, l'aide alimentaire aux plus démunis (PEAD) et une réserve supplémentaire pour pallier d'éventuelles crises du secteur agricole.

Une nouvelle répartition budgétaire

Vers un système de convergence des régimes de paiement (1er pilier)
La réforme comprend un système de convergence afin de lutter contre les disparités entre les agriculteurs de l'Ouest et de l'Est de l'Europe. Les disparités sont réelles : en 2009, les aides à l'hectare allaient de 45 euros pour la Roumanie à 292 euros pour la France et s'élevaient jusqu'à 340 euros pour l'Allemagne. Il est certes excessif de dire que le projet de réforme présenté par la Commission ferait « passer à l'Est » les aides directes aux agriculteurs. Néanmoins, lors de la dernière réunion des ministres européens de l'Agriculture le 26 avril, la Roumanie, l'Estonie et le Portugal ont plaidé pour une plus grande égalité de traitement. Selon le commissaire européen à l'Agriculture, Dacian Ciolos, il s'agirait d'ajuster les enveloppes nationales destinées aux paiements directs afin que « tous les États membres qui bénéficient de paiements directs inférieurs à  90 % de la moyenne européenne réduisent d'un tiers l'écart qui les sépare de ce seuil au cours de cette période ». Pour les pays qui reçoivent actuellement des paiements supérieurs à la moyenne, la contribution minimum nécessaire à l'équilibrage des niveaux de paiements entre les 27 pays européens s'élèverait à 1 %. « Pour les pays bénéficiant des paiements les plus importants, la diminution maximum s'élèvera à environ 7 % » car la France, l'Italie, l'Allemagne et la Belgique souhaitent éviter une soudaine diminution des aides destinées à leur agriculture respective

D'après la réforme, les différents systèmes du régime de paiement vont aussi être harmonisés après 2013. Jusqu'à présent, il y avait un régime de paiement à la surface, d'autres qui autorisaient les références historiques, les paiements par hectare, ou une combinaison « hybride » des deux). Afin de réduire les écarts qui existent entre les niveaux de paiement, un système unique de paiement par hectare serait appliqué d'ici au début 2019.

Plafonnement de l'aide directe pour les grandes exploitations

La Commission prévoit également de plafonner l'aide directe au revenu pour les grandes exploitations qui, selon elle, « reçoivent une part disproportionnée de l'aide directe au revenu de la PAC ». Cette proposition consiste en la réduction progressive des plafonds de paiements à partir de 150 000 € — avec un plafonnement maximum fixé à 300 000 € par an et par exploitation. Cependant, ces plafonnements interviendraient seulement après la déduction d'une partie du salaire et des coûts de sécurité sociale. La République Tchèque, la Suède et le Royaume-Uni ont marqué leur opposition à un tel plafonnement.

Plus de souplesse dans le co-financement du Fonds de développement rural (2e pilier)

Les paiements directs du premier pilier sont normalement financés à 100 % par l'UE, alors que le deuxième pilier (mesures de développement rural) est cofinancé par les États membres. La Commission propose d'autoriser les États membres qui perçoivent des paiements directs inférieurs à 90 % de la moyenne européenne à transférer jusqu'à 5 % de leurs Fonds de développement rural à leur enveloppe nationale du premier pilier, qui fournit une aide directe au revenu pour les agriculteurs. Dans le même temps, tous les États membres pourraient transférer jusqu'à 10 % de leurs subventions nationales du premier pilier à leur enveloppe de développement rural (le deuxième pilier). Ce qui plutôt une bonne chose.

Les clés de la réforme proposée : de nouvelles priorités

La gestion du marché et des OCM

Les Quotas (Lait, Vin, Sucre)
Certains quotas vont expirer prochainement : les quotas sur le lait en 2020 et les droits de plantation des vignes au 1er janvier 2016 (ou, au plus tard pour les États qui veulent encore les maintenir provisoirement, en 2018) avec toutes les conséquences qu'une libéralisation totale des droits de plantation va entraîner en perturbant le marché vinicole et les territoires concernés. La Commission souhaite également que soit abordé la question du dernier régime de quotas encore en vigueur, celui sur le sucre. Le système européen pour les quotas de production de sucre et les prix minimums devrait toucher à sa fin d'ici au 30 septembre 2015. Cette mesure s'accompagnera de diminutions des tarifs d'importation.

Les filets de sécurité
Il existe actuellement des systèmes d'intervention publique et d'aide au stockage privé pour assister les producteurs lorsque les conditions du marché sont difficiles. Ces systèmes devraient être révisés. Une nouvelle clause de sauvegarde sera normalement introduite pour permettre à la Commission de prendre des mesures d'urgence face à des perturbations du marché, comme celles qui ont suivi la crise des E.coli en mai-juin 2011.

Soutien aux organisations interprofessionnelles
Afin d'améliorer la position de négociations des agriculteurs dans la chaîne alimentaire, la Commission propose de soutenir et de développer des organisations interprofessionnelles, ou des groupes de producteurs. Elle propose également de soutenir la vente directe du producteur au consommateur.
 
Le développement rural (2e pilier)
Pour remplacer les trois axes fondés sur les questions économiques, environnementales et sociales encadrés par des exigences de dépenses minimum, la Commission propose désormais 6 priorités :
  • L'incitation au transfert de connaissance et d'innovation ;
  • L'amélioration de la compétitivité ;
  • La promotion de la gestion de la chaîne alimentaire et des risques ;
  • La restauration, la préservation et l'amélioration des écosystèmes ;
  • La promotion de l'utilisation efficace des ressources et la transition vers une économie à faible émission de carbone ;
  • La promotion de l'inclusion sociale, de la réduction de la pauvreté et du développement économique dans les zones rurales.

Les États membres devraient allouer 25 % de leur enveloppe pour le développement rural pour des questions relatives à la gestion des sols ainsi qu'à l'adaptation et à la minimisation des risques liés au changement climatique.

Le respect de l'environnement

Les propositions de la Commission mettent également l'accent sur les mesures environnementales, en conditionnant 30 % des paiements directs de la PAC à trois mesures de « verdissement » visant à inciter les agriculteurs à respecter certaines règles liées à l'environnement et au bien-être animal.
Les 3 mesures de « verdissement » :  
  • Le maintien des pâturages permanents.
  • La diversification des cultures. Les agriculteurs devront prévoir au moins trois cultures différentes sur leurs terres arables. La plus large d'entre elles pourra occuper jusqu'à 70 % des terres, contre au moins 5 % pour les deux autres cultures.
  • Le maintien d'une « zone réservée à l'écologie » d'au moins 7 % des terres agricoles — à l'exception des prairies permanentes — avec des lisières de champs, des haies, des arbres, des terres en jachère, des paysages, des biotopes, des bandes tampons ou des zones de reboisement.
Il risque d'en résulter une réduction des terres cultivables. Les agriculteurs sont de plus en plus confrontés à la rareté : terres disponibles, mais aussi eau et ressources naturelles. Certains agriculteurs innovent déjà en regroupant par exemple certains outils de production ou en pratiquant l'assolement des terres en commun. Leur imposer encore davantage de règles dans ce contexte est-il une bonne chose ?
D'autant que certains craignent que ces contraintes ne soient synonyme d'un fardeau administratif supplémentaire pour les agriculteurs. La Hongrie, le Portugal et l'Espagne ont fait part de leurs réserves car ils jugent ce seuil de conditionnalité de 30% trop élevé. L'ancien ministre français de l'Agriculture Bruno Le Maire, avait récemment déclaré que si la France soutenait le principe du verdissement des subventions de la PAC, il a néanmoins insisté sur le fait que ce système devrait « être simple, comporter des facteurs incitatifs et prendre en compte des considérations budgétaires, la réalité économique des exploitations agricoles et permettre d'alléger le fardeau administratif ». Selon lui, les propositions de la Commission ne répondent pas à ces objectifs. Le Royaume-Uni et la Suède partagent cette analyse et disent craindre que cette mesure de conditionnalité ne constitue un fardeau administratif supplémentaire pour les agriculteurs européens.

Une réforme qui risque de passer à côté de l'essentiel

Les propositions de réforme de la PAC semblent répondre aux objectifs de distribution plus juste du budget agricole et de promotion des pratiques agricoles plus respectueuses de l'environnement. Néanmoins deux aspects en sont absents : la complexité administrative de cette politique et la nécessité d'améliorer la compétitivité du secteur agricole européen.

Les normes toujours plus nombreuses à respecter s'apparentent de plus en plus à un fardeau administratif pour les chefs d'exploitations agricoles. Le fonctionnement même de la PAC fait débat. Se basant sur le projet présenté par la Commission, la Cour des comptes européenne a émis un avis le 17 avril 2012 – certes non contraignant – mais indiquant que les propositions pour 2014-2020 ne simplifient pas les règles et que le cadre réglementaire de cette politique demeure trop complexe : « Malgré l’accent prétendument mis sur les résultats, la politique reste essentiellement fondée sur les dépenses et le contrôle portant sur celles-ci ; elle privilégie donc la conformité plutôt que la performance », observe la Cour, qui va plus loin en soulignant la complexité des propositions retenues, en particulier celles concernant le paiement des aides directes, qui pourrait faire l'objet d'abus. Selon la Cour, avec la définition d'« agriculteurs actifs » retenue par la Commission, « des paiements risquent de continuer à être versés à des bénéficiaires qui n’exercent aucune activité agricole ». La Cour souligne que la réforme pourrait engendrer 15% de coûts de gestion supplémentaires dans le régime des paiements directs. Il n'y a pas non plus d'incitation pour encourager les jeunes actifs à se tourner vers le secteur agricole. Le Comité des Régions va plus loin en souhaitant une approche totalement différente avec une PAC qui soit plus proche des réalités territoriales, et que les autorités régionales aient un rôle accru dans la mise en oeuvre de la politique agricole. En France, ce point de vue n'est pas partagé. La FNSEA y voit le risque de développer, par exemple en France, « 22 petites PAC » régionales, d'autant que la situation financière de certaines régions pourrait poser des difficultés pour le co-financement de ces projets et ainsi pénaliser les agriculteurs des régions les moins favorisées.

Le second aspect qui n'est pas pris en compte est la nécessité d'améliorer la compétitivité de ce secteur par rapport aux autres puissances agricoles extra-communautaires. L'Union européenne, vivement critiquée par les pays tiers, a cédé sous l'impulsion de l'OMC, sur les aides directes couplées et les subventions à l'exportation, à l'origine de distorsions de concurrence. Et le résultat n'a été que d'ouvrir massivement les frontières du marché unique à des produits agricoles extra-communautaires moins chers et ne respectant pas les mêmes normes, notamment sanitaires. Le résultat est que l'UE qui avait l'un des secteurs agricoles les plus performants au monde, continue à subventionner un secteur, dont la production est beaucoup plus encadrée et de moins en moins compétitive en termes de prix. Et les désaccords États-Unis - UE sur les questions agricoles persistants, les négociations du "cycle de Doha" sont aujourd'hui au point mort, ce qui n'arrange rien.

La question qu'il nous faut poser est de savoir si l'agriculture européenne ne souffre pas d'un manque de véritable stratégie sectorielle. Pour compenser la perte de compétitivité, ne faudrait-il pas des règles plus simples pour nos agriculteurs ? L'agriculteur européen est devenu un chef d'entreprise alors que le secteur agricole est encore encadré par des lois de modernisation datant des années 1960. Il doit nécessairement rester compétitif malgré des règles de plus en plus exigeantes Un agriculteur qui souhaite s'agrandir pour faire face à une concurrence accrue dans un monde ouvert, doit faire face à des contrôles inadéquats et sa liberté d'entreprendre est constamment entravée.
  • Entravée par une volatilité et une instabilité des prix des matières premières agricoles. A titre d'exemple, entre le 9 mai et le 5 décembre 2011, les cours du blé sur Euronext sont passés de 267 à 180€ la tonne. Le marché agricole est devenu fluctuant.
  • Entravée par une notion d'agriculture longtemps productiviste les obligeant à investir dans du matériel de plus en plus coûteux.
  • Entravée par la difficulté à obtenir un prêt bancaire soit pour investir, soit justement pour faire face à certains aléas conjoncturels. La plupart des exploitations qui sont mises en dépôt de bilan le sont par manque de liquidité et la difficulté à obtenir un prêt.
  • Entravée par une fiscalité qui ne prend pas en compte les aléas conjoncturels (taxe sur les bénéfices agricoles, taxe sur le chiffre d'affaire...).
  • Entravée par des modes de consommation standardisés imposés par la grande distribution.
Pour sauver la PAC, il ne s'agit donc pas uniquement d'apporter une plus grande équité entre les États membres, d'introduire des normes environnementales supplémentaires et de prononcer le mot compétitivité comme une incantation. Comment oser dire à un agriculteur qu'il doit être plus compétitif alors qu'il est confronté à la fin des barrières douanières du Marché Unique et que dans le même temps, il doit respecter toujours plus de normes contrairement à ses concurrents extra-communautaires ? Il s'agit donc aussi de simplifier les règles de fonctionnement de la PAC, de ne pas multiplier les normes, adopter une véritable stratégie sectorielle qui prenne en compte les difficultés actuelles des agriculteurs européens et de ne pas entraver leur liberté d'entreprendre. Sans quoi, cette réforme de la PAC 2014-2020 ne sera qu'un ajustement supplémentaire et non une réforme d'envergure.

mercredi 18 avril 2012

Emplois industriels : quand un ancien ministre de l'Industrie ne sait plus compter...

Je dois l'admettre... Les dernières déclarations de l'ancien ministre UMP de l'Industrie Christian ESTROSI le 8 février, me font sourire. Lors d'une réunion thématique de l'UMP, il a affirmé « Quand on nous dit que la France a perdu au cours des dix dernières années 550.000 emplois industriels, c'est faux. Elle les a perdus entre 1998 et 2008, pas entre 2002 et 2012. Depuis 2009, la courbe s'inverse et on a regagné 10% d'emplois industriels ». À l'entendre, la France est donc en pleine croissance. Un peu surpris, j'ai vérifié d'après les chiffres de l'INSEE. 

Évolution de l'emploi industriel en France


2007
2008
2009
2010

Emplois industriels

milliers

%

milliers

%

milliers

%

milliers

%

-29,3

-0,9

-48,3

-1,4

-126,7

-3,8

-113,4

-3,5
Source : INSEE

Comme nous pouvons le constater, il est impossible que depuis 2009, l'emploi industriel se soit accru de 10%. Au contraire ! Pour la seule période 2009-2010, la France a perdu 7,3% d'emplois industriels ! On est donc loin, Monsieur le ministre, des 10% d'emplois industriels regagnés depuis 2008 !

Plus globalement, l'emploi industriel, si nécessaire à la production de produits manufacturés et donc de valeur ajoutée*, ne représentait plus –au 30 septembre 2011 – que 3 291 300 salariés soit 11,1% de la population active. Et même en faisant gonfler les statistiques en ne prenant en compte que la population active occupée, l'emploi industriel ne représente que 12,3% de l'emploi salarié en 2011.

* (L'industrie représente 14% de la valeur ajoutée totale en France, 30% en Allemagne, 22% en en moyenne dans la zone euro, 17,7% aux Pays-Bas, 20,8% en Belgique, 23,1% en Italie, 26% en Suède selon Eurostat).

vendredi 3 février 2012

Solidarité et discipline : les 2 faces d'une même solution à la crise de la zone euro ?

L'année 2011 s'est achevée. Et avec elle – semble-t-il – son cortège de mauvais augures sur la fin prochaine de la monnaie unique, ni souhaitable, ni souhaitée réellement par la majorité des européens.  
De fait, la crise des dettes souveraines, si elle a eu le mérite de mettre en exergue depuis début 2011 la facilité déconcertante avec laquelle les États européens se sont financés essentiellement par l'emprunt massif pendant de trop longues années, elle est avant tout une crise de défiance de la part des marchés financiers. Dès lors qu'ils l'ont compris, les dirigeants européens se sont attachés à rassurer les marchés, à défaut d'engager des économies budgétaires massives à court terme. Depuis le Conseil européen des 8 et 9 décembre dernier et la mise en chantier du traité « d’union budgétaire », la « crise de défiance » a semblé s'atténuer. Et ce, malgré la dégradation de la note souveraine de neuf pays de la zone euro par l’agence Stantard and Poor’s, dont la France. L'impact de cette dégradation a d'ailleurs été aussi limité sur le plan des taux qu'il a été dévastateur sur le plan politique.

Historiquement, la construction européenne s'est faite au gré des crises. Cependant, il vient un moment où des solutions doivent y répondre. Et celles qui sont proposées peuvent être résumées par ces deux mots : solidarité et discipline. 

Le Mécanisme européen de stabilité (MES)

L'accord des ministres des Finances du 30 janvier 2012, adopté par 25 des 27 États membres (le Royaume-Uni et la République Tchèque ont refusé de signer), met en place un pare-feu destiné à remplacer le Fond européen de stabilité financière (FESF) mis en place en urgence en 2011. 

Ce dispositif appelé à être pérenne, sous le nom de Mécanisme européen de stabilité (MES), entrera en vigueur le 1er juillet prochain et sera doté d'une capacité de prêt de 500 milliards d’euros. Mme Christine LAGARDE, directrice générale du FMI, a proposé que les fonds disponibles de ce mécanisme puissent être porté à 750 milliards d'euros avec l'ajout des ressources du FESF qui n'ont pas encore été utilisées. Ce dispositif permettra d'aider dans l'urgence un pays de la zone euro, sans requérir l'unanimité des autres États membres. Une première réevaluation des ressources du MES aurait lieu en mars.

Néanmoins, ce fond ne résoudra que partiellement les conséquences et non les causes de la crise. L'Institut syndical européen, par la voix d'Andreas BOTSCHE, a indiqué lors de son audition au Parlement Européen le 23 janvier, que l'augmentation continuelle des plafonds du MESF ne résoudra pas la crise. Selon cet institut, la vraie question réside dans les déséquilibres macro-économiques existants au sein de la zone euro [Nous reviendrons dans un prochain article sur les disparités macro-économiques]. 

Parallèlement, la Banque centrale européenne (BCE), inonde les banques de liquidités depuis la fin de l'année 2011, atténuant les inquiétudes sur leur santé. Ce qui contribue à détendre les taux d'intérêt depuis le début de l'année, et ce, malgré la dégradation de Standard & Poor's.

Discipline budgétaire : une improbable règle d'or...

Le second volet des mesures adoptées à Bruxelles le 31 janvier 2012 sont liées à l'accroissement de la discipline des comptes publics. Si la Chancelière Allemande Angela MERKEL a accepté de garantir les prêts de la BCE accordés aux banques et de rallonger l'enveloppe initialement prévue du MES, elle a fait adopter en contrepartie par 25 des 27 États membres, un engagement constitutionnel à ne plus voter de budget en déséquilibre, le tout assorti d'amendes plus lourdes. C'est la désormais fameuse «règle d'or ». Seuls le Royaume-Uni et la République Tchèque ont refuser de s'engager.

Or, il existait déjà une obligation de respecter un certain encadrement des comptes publics sous peine d'amende : les critères du Pacte de Stabilité, interdisant tout déficit public supérieur à 3% de PIB. Les États ne l'ayant pas respecté au cours des trois dernières années, et pour certains même bien avant la crise financière de 2008, on les voit mal maintenant se parer d'une nouvelle vertu budgétaire allant au-delà des critères de stabilité, vers plus de discipline, sachant qu'en période de croissance, la France par exemple, parvenait très difficilement à respecter le Pacte de Stabilité, en particulier l'interdiction d'un déficit équivalent à 3% de PIB. Alors viser à l'équilibre budgétaire par une « règle d'or » est une excellente chose, mais en temps de crise, on peut douter de la capacité des dirigeants européens à en faire autre chose qu'une simple posture politique... car il y aura une partie des États membres qui auront des difficultés à la ratifier en raison de l'impossibilité à transposer un frein à l'endettement dans leur droit national, ou par impossibilité à trouver une majorité politique suffisante (en Finlande par exemple, il faut une majorité des 4/5 pour modifier la Constitution).

D'autres solutions ont été proposées ces derniers mois au Parlement européen, comme la création d'un fonds permettant de communautariser la partie des dettes publiques dépassant 60% du PIB, financée par des titres d'obligations européens émis par la BCE et avec une durée moyenne de remboursements. Cette proposition a été à l'origine conçue par cinq instituts économiques allemands. Il y a également l'idée que l'Union européenne n'étant pas endettée, elle pourrait émettre des titres d'obligations européens afin de relancer l'économie européenne sur des projets communs d'infrastructures, de transports. Cela éviterait la stratégie suivie actuellement qui consiste à ne parler que rigueur budgétaire dans le seul but de reconquérir la confiance des investisseurs sans pour autant relancer l'économie...

Dette grecque : quitte ou double

Un nombre croissant d'Etats-membres, dont l’Allemagne, les Pays-Bas et la Finlande s'interrogent de plus en plus sur l'intérêt d'aider la Grèce. Rappelons qu'Athènes a déjà bénéficié d'une aide de 110 milliards d'euros depuis mai 2010 et qu'une nouvelle tranche de 130 milliards d'euros est en cours de négociation, dont 90 devront être versés avant fin mars 2012. Et ceci afin d'éviter une mise en défaut de l'Etat. Certains dirigeants y voient le tonneau des Danaïdes, sachant qu'Athènes ne parvient pas à appliquer ses réformes et que la corruption y est toujours aussi développée. Pour illustrer cet état d'esprit, le ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble a été jusqu'à suggérer qu’un commissaire européen siège de façon permanente à Athènes pour surveiller le budget grec, une proposition écartée lors du sommet du lundi 30 janvier 2012, à Bruxelles. Les plus réticents semblent penser qu'il n'est nécessaire d'aider la Grèce que pour éviter l'effet de contagion au Portugal et à l'Irlande. Avec une dette équivalente à 160% de son PIB et une économie qui ne représente que 3% du PIB de la zone euro, les européens sont en droit de se poser la question de savoir si la crise grecque n'est pas insoluble.

Or l'Union européenne n'a guère le choix en vérité. Une mise en défaut de la Grèce sonnerait comme un terrible échec pour la zone euro dans son ensemble. Certes, l'UE a fait l'erreur de considérer il y a près de dix ans, que la Grèce était prête à faire partie de la zone euro. Mais maintenant qu'elle y est, l'UE n'a plus le choix. D'autant que certaines solutions négociées actuellement, comme la restructuration de la dette, ont mis trop de temps à faire leur chemin. Nous aurions dû considérer la restructuration de la dette grecque dès 2010, solution qui avait d'ailleurs été avancée par plusieurs responsables politiques. Cela aurait évité à la Grèce la situation qu'elle connaît actuellement.

Un plan de restructuration de la dette grecque en cours de négociation

Lors du sommet de Bruxelles, le 31 janvier 2012, le Président de l'Europgroupe, Jean-Claude JUNCKER, et le Premier Ministre Grec, Lucas PAPADÉMOS, ont laissé entendre qu'il était possible que la Grèce parvienne d'ici la fin de la semaine à un accord avec ses créanciers privés pour effacer une partie de sa dette. Néanmoins, même si les créanciers privés (banques, fonds de pension, assurances) acceptent une perte de plus de 50 % de la valeur de leurs titres, la dette grecque ne sera ramenée que d’environ 350 milliards d’euros (160 % du PIB) à 250 milliards d’euros, soit une diminution de seulement 28,5 %. Paris a donc proposé d'y associer les créanciers publics (BCE, FMI) pour qu'ils renoncent à leur tour à certaines de leurs créances grecques acquises lors du programme de rachats d'obligations publiques depuis mai 2010. La BCE a refusé. Refus également de Berlin : le ministre des finances Wolfgang Schäuble ayant estimé que les créanciers privés « ont gagné suffisamment avec les taux élevés sur les obligations grecques, et doivent maintenant accepter des pertes ».

Parmi les questions en jeu, il y a également les divergences relatives au taux d'intérêt des nouvelles obligations qui seront émises. Le parlement grec « devra voter les conditions de l'émission des nouveaux titres ».

Un nouveau plan d'aide

L'accord de restructuration n'est qu'un élément de la discussion, qui comprend aussi un nouveau plan d'aide que le gouvernement grec négocie avec les créanciers institutionnels (UE-BCE-FMI) pour un montant de 130 milliards d'euros en échange de nouvelles réformes structurelles du côté grec, notamment de la part du secteur privé.

Le temps presse. Si la Grèce ne rembourse les 14,5 milliards d'euros de prêts qui arrivent à échéance le 20 mars, le pays sera considéré en cessation de paiements. Mais les négociations avec le secteur privé traînent en longueur depuis près de trois semaines. Néanmoins, si cet accord aboutissait, cela « anéantirait le danger systémique qui menace la zone euro », estimait le 22 janvier un responsable de Goldman Sachs. C'est tout dire...