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lundi 22 mars 2010

€urozone: vers une crise historique ?

Publié sur Agoravox.fr le 24 mars 2010

Les 25 et 26 mars prochains, les chefs d'État et de gouvernement vont se réunir à Bruxelles. Une occasion très attendue pour statuer sur un éventuel mécanisme de soutien à la Grèce.

Depuis plusieurs mois, la tension monte au sein de la zone euro, suite à la dégradation des finances publiques grecques, consécutive à la crise économique. La crise n'est pas la cause de cette dégradation, elle n'en est que le révélateur. Depuis de nombreuses années, l'État grec a été taxé par ses partenaires européens de laxisme, voire même de tricherie statistique sur la gestion de ses finances publiques. La dégradation de sa note auprès des marchés financiers en a été l'une des conséquences.

Divergences au sommet

Le vrai problème réside sans doute dans la manière de régler la situation. Or de ce point de vue, les dirigeants des États membres de la zone euro se sont plus fait entendre par leur divergences que par leur esprit de solidarité. Au premier rang desquels, l'Allemagne. Le 17 mars, Angela Merkel a clairement fait entendre son opposition à un soutien financier de la Grèce. Tout y est passé. Des députés allemands suggérant même à la Grèce de céder ses îles pour se renflouer ou la suspension « pour au moins un an » du droit de vote de la Grèce au Conseil européen ou encore de proposer l'exclusion de la Grèce de la zone euro, ne laissant finalement à celle-ci comme seule alternative que le recours au Fonds Monétaire International (FMI). Or, comme le dit très justement Jean-Claude Trichet, président de la Banque Centrale Européenne (BCE), exclure un membre de la zone euro est une « hypothèse absurde ». La création d'un fonds monétaire européen (FME) serait également à l'étude, mais une telle création institutionnelle nécessite du temps à mettre en œuvre et ne règle en rien à court terme le problème.

Traumatismes allemands

Pour autant, rien ne sert de fustiger les responsables politiques allemands. Un membre du gouvernement français a récemment indiqué avoir trouvé le ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble, « très donneur de leçons et bien peu intéressé par l'Europe ». Cette façon de voir paraît curieuse si l'on considère que Monsieur Schäuble est justement celui qui est le plus en phase avec le credo européen au sein des membres du gouvernement fédéral allemand. En fait, derrière les réticences allemandes à davantage de solidarité européenne, ne se cache pas seulement la volonté de l'Allemagne de « faire payer » un État membre de la zone euro jugé laxiste depuis de nombreuses années, mais également le sentiment d'avoir été trahi. On leur avait promis, lorsqu'ils ont abandonné le Deutsche mark, qu'ils n'auraient jamais à payer pour les États membres qui ne respecteraient pas la règle. « Il faut attaquer le problème à la racine » indiquait récemment Mme Merkel, au risque d'irriter ses partenaires européens tel que la France, favorable à davantage de solidarité pour ne pas mettre en péril l'intégration monétaire européenne. Mais pour la Chancelière, une aide financière immédiate ne réglerait en rien le problème.

Mme Merkel doit également tenir compte de l'hostilité croissante de l'opinion publique allemande à aider un pays qui n'a pas assumé ses responsabilités. Pour les allemands, l'orthodoxie budgétaire est une obligation (la Constitution fédérale limite le déficit fédéral à 0,35% du PIB à partir de 2016). Traumatisés par le souvenir de l'inflation, ils souhaitent une monnaie forte et font valoir que les traités européens interdisent tout renflouement d'un État membre en difficulté et craignent un mauvais exemple laissant la porte ouverte aux excès des plus endettés. L'Allemagne a payé cher sa réunification, par une perte de compétitivité, une dégradation de ses comptes publics et l'abandon du mark pour l'Euro. Ils s'en sont sorti en se serrant la ceinture avec les réformes Schröder (Agenda 2000) avec la diminution de leur pouvoir d'achat, de leur protection sociale, le blocage des salaires et le recul du départ en retraite à 67 ans. Les allemands conçoivent donc mal que les autres États membres de la zone euro n'aient pas eu à faire ces sacrifices et refusent de payer pour eux. Ce en quoi, ils n'ont pas complètement tort.

Quelles solutions à court-terme ?

La solution actuellement à l'étude résiderait dans un mécanisme de prêts bilatéraux avec des taux d'intérêts plus élevés que la moyenne de la zone euro. Mais une telle solution nécessite encore l'aval des chefs d'État et de gouvernement et Athènes est aux abois. « C'est un point sur lequel on devrait pouvoir attendre que l'Union européenne puisse être à la hauteur des attentes » et une occasion « que nous ne devrions pas manquer » a mis en garde le premier ministre grec, Georges Papandreou, le 18 mars dernier. En d'autres termes, si une solution n'est pas rapidement mise sur la table et acceptée par les dirigeants européens, la Grèce n'aura d'autre choix que de recourir au FMI, solution qui serait jugée comme un désaveu durable de l'intégration monétaire européenne. Pourtant certains États de la zone euro, tels que l'Allemagne, la Finlande, les Pays-Bas ainsi que des États hors zone euro tels que la Grande-Bretagne et la Suède, ne seraient pas totalement hostiles à ce recours.

Athènes ne ménage pourtant plus ses efforts pour prendre des mesures d'austérité douloureuses, répondant ainsi aux exigences de l'UE. Néanmoins, les taux d'intérêts qu'elle doit actuellement payer pour emprunter auprès des marchés sont encore intenables, environ 6%, soit près du double que les taux proposés à l'Allemagne lorsqu'elle emprunte sur les marchés.

Vers une nouvelle gouvernance monétaire ?

La crise grecque a finalement fait apparaître les carences de l'Union monétaire et son absence de mécanisme de coordination entre États membres. Depuis le début de la tempête financière, les allemands se sont opposé à une stratégie commune de sortie de crise. Néanmoins, ils n'ont pas tort de critiquer le laxisme de certains, mais en temps de crise, la critique est mal perçue. De son côté la Grèce met fin à ses mauvaises habitudes, et fait preuve de bonne volonté. Un accord politique serait-il donc si difficile à obtenir dans ces conditions jeudi et vendredi prochains ? Car le temps presse et la Grèce a besoin de 50 milliards d'euros à partir du mois d'avril. Si aucune solution n'est trouvée à la fin de la semaine, un État membre de la zone euro devra faire appel au FMI, en d'autres termes : être mis sous tutelle internationale... Ce fut déjà le cas pour la Hongrie et la Lettonie, mais ces deux États ne sont pas membres de la zone euro. Il resterait encore la solution d'une intervention du FMI qui laisserait à l'UE un rôle-clé.

Finalement, les allemands pourraient bien accepter de soutenir la Grèce in extremis, mais la contrepartie serait claire : la reprise en main allemande sur la destinée de l'Union monétaire. Et ça tombe bien pour Berlin puisque le mandat de Jean-Claude Trichet arrive bientôt à son terme. Selon les observateurs à Francfort, le choix de Vitor Constancio, gouverneur de la Banque du Portugal, comme futur vice-président de la BCE ouvre la porte à Axel Weber, président de la Bundesbank, pour la succession de Jean-Claude Trichet, dont le mandat s'achèvera fin 2011. Les États membres vont-ils enfin accepter de doter la Commission européenne d'un vrai pouvoir de vérification et de sanction ? Dans tous les cas, un tour de vis vers davantage de rigueur budgétaire dans la zone euro est plus que jamais à l'ordre du jour.
GP

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