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jeudi 4 mars 2010

Lady Ashton veut-t-elle « tuer le job » ?!


Dans mon précédent article du 15 décembre sur le Traité de Lisbonne, j'indiquais qu'en dépit du fait que Monsieur Van Rompuy et Madame Ashton ne paraissaient pas être les nominés rêvés, il convenait de leur laisser leur chance. Or, trois mois après sa nomination au poste de Haut-Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et depuis peu, Vice-Présidente de la Commission européenne en charge des relations extérieures, Lady Ashton n'en finit pas de faire parler d'elle.

Haïti

Le premier révélateur « officiel » de ce qui est de plus en plus considéré à Bruxelles, voire même dans les capitales européennes, comme de l'amateurisme, a été la réaction d'Ashton suite au séisme à Haïti. Alors que son homologue américaine, Hillary Clinton, s'est rendue, dès le 15 janvier, à Haïti pour manifester le soutien des États-Unis aux populations et au pays ravagé, Ashton est rentrée chez elle à Londres pour le week-end. De sorte que la visibilité de l'Union européenne et des Etats-membres, qui ont accordé près de 430 millions de dollars à Haïti pour la reconstruction, a été proche de zéro. Loin derrière la visibilité des États-Unis dont le montant des aides se chiffre à 100 millions de dollars. De retour à Bruxelles, le 18 janvier, elle s'emmêle les pinceaux lors de la conférence de presse consacrée à Haïti, laissant finalement la parole à Miguel Angel Moratinos, le chef de la diplomatie espagnole dont le pays assure la présidence tournante de l’Union. Affligeante interprétation du Traité de Lisbonne.... Outre le fait qu'elle ne s'est toujours pas rendu à Haïti, laissant l'initiative à Karel De Gucht, commissaire au développement, elle n'a pas non plus daigné se rendre à la conférence des donateurs à Montréal, arguant qu'elle devait présider le Conseil des ministres des Affaires étrangères à Bruxelles. La diplomatie, Madame Ashton, ne se contente pas de bureaucratie, c'est également une histoire de symbole et de représentativité, surtout lorsque l'on est censé représenter l'Union européenne !

Défense européenne

S'il y a bien un sujet sur lequel Madame Ashton n'a pas encore montré d'appétences particulières, c'est la défense européenne. Ne voyant par exemple pas l'intérêt d’un État-major européen qui risque de faire concurrence à l’OTAN, elle a récidivé début février, dans un entretien à l’AFP, en affirmant qu’elle continuait à soutenir l’entrée en guerre de son pays – le Royaume-Uni – contre l’Irak. La semaine dernière encore, la présidence espagnole a organisé les 23 et 24 février une rencontre informelle des ministres de la Défense, à Palma de Majorque. Lady Ashton a indiqué qu'elle ne pouvait pas être présente. Officiellement en raison de contraintes d'agenda, puisqu'elle devait se rendre à Kiev pour rencontrer le président ukrainien récemment élu. Son prédécesseur à la politique de sécurité, Javier Solana, n'avait pourtant jamais manqué l'une de ces réunions, comme le souligne très justement Jean Quatremer dans son blog; il y a donc là une question de priorité. Entre le développement de la coopération européenne en matière de défense et l'investiture d'un président ukrainien notoirement pro-russe, Ashton a choisi, même si sa présence à Kiev ne fera pas d'infléchir le nouveau président. Étonnante façon de gérer son agenda, Lady Ashton ! Et pourtant même Anders Fogh Rasmussen, ancien premier ministre danois et actuel Secrétaire Général de l'OTAN s'est rendu disponible.

Un agenda incompatible avec le traité de Lisbonne ?

Mais revenons sur la manière d'appréhender les prérogatives du Haut-Représentant. Lady Ashton n'a jamais caché qu'elle n'avait pas le désir « de faire 300.000 km par an comme son prédécesseur Javier Solana », arguant du fait que sa « vie professionnelle et familiale » seraient difficilement conciliables. Or un ministre des affaires étrangères qui ne se déplace qu'au compte-goutte, n'en est pas un. Il y a enfin la composition de l'équipe. En dépit du fait qu'elle ne s'exprime qu'en anglais, la moitié des effectifs sont britanniques, cela ne risque donc pas de l'aider à s'exprimer dans l'une des autres langues officielles de l'UE. De plus, son équipe se compose essentiellement de spécialistes des Balkans, curieux focus sur ce qui n'est plus aujourd'hui un enjeu de politique étrangère mais plutôt de politique de voisinage pour des pays préparant leur adhésion à l'UE.

Alors les prérogatives comprises par le Traité de Lisbonne, pour ce nouveau poste de Haut-Représentant sont-elles trop étendues ? Où est-ce parce que Catherine Ashton n'a pas l'envergure, ni la vision nécessaires ?
Car l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne est également le synonyme de la création d'un vrai service européen d'action extérieur (SEAE), pour lequel elle doit donner l'impulsion, avec à la clé la fusion de services précédemment distincts dépendant de la Commission européenne où du Conseil des Ministres. En bref, il y a tout à construire. Et ce n'est pas la Commission européenne qui l'aidera dans cette tâche, ni le tout nouveau président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, qui a déjà fait comprendre qu'il souhaite exister lui aussi sur la scène internationale.

Pour résumer, «elle n’a pour l’instant ni l’équipe, ni la profondeur, ni l’intention de faire de ce poste ce qu’il aurait dû être», a récemment estimé un diplomate européen qui redoute qu’elle «tue» le job. Ces atermoiements ont déjà eu un résultat : Barack Obama a décidé de ne pas se rendre au sommet annuel Union européenne/États-Unis qui devaient avoir lieu à Madrid, les 24 et 25 mai 2010. Est-ce une manière d'indiquer son agacement devant l’incapacité de l’UE à parler d’une seule voix ? 
GP

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