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jeudi 3 décembre 2009

Grand Emprunt : ça passe ou ça casse ?


Publié sur Agoravox.fr le 8 décembre 2009

Conceptualisée par Henri Guaino, conseiller spécial du Président Sarkozy, l'idée a fait son chemin. Initialement, cela a eu le mérite de mettre en avant l'idée qu'il fallait cesser de financer nos dépenses courantes par des emprunts qui nous empêchent d'investir pour l'avenir. M. Guaino a alors eu l'idée d'un emprunt uniquement dédié à des investissements d'avenir. Le problème c'est de lancer l'idée dans un contexte de dérapage des finances publiques. D'ailleurs, si l'on considère que le montant total des emprunts émis cette année sera d'environ 240 milliards d'euros, on peut se demander à combien cet emprunt devrait se chiffrer pour mériter le qualificatif de "grand"...

Par ailleurs, une telle initiative aurait eu plus de poids dans le cadre d'un emprunt commun à tout les Etats membres – mais l'avons-nous seulement proposé ? - lequel aurait pu être pris en charge par la Banque européenne d'investissement (BEI) ou par la création d'une "Agence Européenne de la Dette" par exemple. Non seulement une telle option aurait permis une mutualisation des investissements des États-membres dans le cadre de leur plan de relance respectif, mais elle aurait également envoyé un signal fort aux européens qui y auraient vu une vraie continuité de l'action économique de l'UE.

A présent, trois possibilités s'offrent à nous : soit nous n'investissons pas et nous attendons des jours meilleurs, soit nous pratiquons le saupoudrage budgétaire, soit nous investissons mais pas à moitié.

La dépense à tout prix

Dans l'esprit d'Henri Guaino, l'objectif du Grand Emprunt est d'envoyer un signal aux investisseurs. L'Etat pense ainsi créer un dispositif jouant un rôle de levier convaincant les investisseurs privés de mettre à leur tour la main au porte-monnaie pour de grands projets. Pour Henri Guaino, si l'Etat n'investit pas, il n'encouragera pas les grandes entreprises privées à investir à ses côtés. C'est là une stratégie dangereuse en période de dérapage budgétaire. Dans les années 1780, Calonne, Surintendant des Finances, avait conseillé à Louis XVI d'investir dans tous les domaines pour masquer la dette de l'Etat et donner confiance aux investisseurs. Or non seulement cette stratégie avait échouée, mais l'accroissement de la dette courante de l'Etat s'était accélerée au point de mettre l'Etat quasiment en banqueroute en 1788. On voit donc bien la limite de l'idée en période d'endettement chronique de l'État.

Eviter le saupoudrage budgétaire

Associant des fonds de l'Union européenne, des fonds privés ou des collectivités locales, l'enveloppe a finalement été réduite à 35 milliards et financerait 7 priorités élaborées par la Commission Juppé-Rocard. Les priorités se focalisent sur la recherche et la croissance verte. Soit 10 milliards d'euros pour l'enseignement supérieur public en vue de créer des fondations universitaires qui soient de vrais pôles de recherche, à l'image des universités américaines. Or satisfaire à cet objectif relève du rêve : non seulement 10 milliards d'euros n'y suffiront pas, mais dans un contexte de crise – en particulier dans l'industrie et les services, qui perdent beaucoup d'emplois – on peut s'interroger sur la nécessité de dépenser 10 milliards d'euros pour des fondations universitaires qui ne créeront pas d'emplois à court et moyen terme.

Le soutien aux PME innovantes par des prêts participatifs n'arrive qu'ensuite alors que c'est LA vraie priorité. Quant aux investissements dédiés aux projets industriels lourds tels que le développement des énergies renouvelables, l'avion de demain, l'économie numérique, le nucléaire de quatrième génération ou la voiture électrique, générateurs d'emplois, cela relève davantage du saupoudrage budgétaire mais c'est mieux que rien...

Une bonne nouvelle tout-de-même !

En se focalisant sur la Recherche et Développement (R&D), la France rejoint les objectifs de la stratégie de Lisbonne, que l'UE a défini en mars 2000, en vue de créer "l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010". L'UE avait fixé pour objectif une dépense de R&D égale à 3 % du produit intérieur brut (PIB) européen. Or dix ans ont passé et l'objectif est loin d'être atteint (1,85 % en 2007, contre 1,7 % en 2000). Le Grand Emprunt va peut-être permettre d'améliorer ce taux !

GP

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